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 Jazz-rhapsodie pour musique et philo

Penser ce qui devient, déchiffrer les signes, pour résister à la médiocrité nihiliste et produire une jubilation!...

ethique et politique

aphorismes d'éthique hivernale

Publié le 2 Mars 2017 par Bernard Petit dans Vivre et philosopher, Ethique et politique

De l'Ethique


"Sur l'avenir, tout le monde se trompe. L'homme ne peut être sûr que du moment présent... Mais est-ce bien vrai? Peut-il vraiment le connaître, le présent? Est-il capable de le juger? Bien sûr que non. Car comment celui qui ne connaît pas l'avenir pourrait-il comprendre le sens du présent?..." (Milan Kundera, L’Ignorance)

Peut-être que rien n'est plus trompeur que le présent! Peut-être que seul le présent est trompeur! Peut-être que l'errance est la seule vérité du présent!... Peut-être que le présent est le grand mythe de la (post-)modernité!...
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Pour s'habituer à la variabilité permanente de tout le devenir, on devrait s'exercer à faire chaque jour quelque chose de volontairement inhabituel.

 

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Leçon de vie : le plus appétissant n’est pas toujours le meilleur et le plus dégoûtant n’est pas toujours le pire ! (vaut pour l’aliment, l’amour, l’art, l’éthique…)
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Dans l’histoire humaine, rien n’est plus ordinaire que le vol des idées, dans tous les sens du terme : les humains sont des voleurs et les idées sont volatiles. Le vaniteux cupide s’en plaindra, mais le sage humaniste s’en félicitera !...
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Gardons -nous de pousser trop loin l'anti-humanisme, qui n'est le plus souvent qu'un humanisme idolâtré, puis déçu!...Et ne demandons pas à l'humanité plus qu'elle ne pourra jamais nous donner, de peur qu'elle se mette à tout nous refuser!...

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On répète trop que l’expérience des autres nous serait inutile parce qu’on ne pourrait la reproduire : si c’était aussi vrai , elle serait aussi inutile à celui qui l’a faite, puisqu’il ne pourra la reproduire une 2e fois exactement, et il n’y aurait jamais aucune leçon de l’expérience. En vérité, « l’expérience n’instruit que des esprits préparés » (Claude Bernard), préparés à comprendre ce qui se passe dans chaque expérience. Autrement dit, l’expérience ne nous instruit que sous la condition d’une perception attentive, d’une mémoire fidèle et d’une raison directrice qui arrange le tout pour l’adapter aux nouveaux faits éventuels. Les connaissances transmissibles (par les médias de toutes sortes) ne sont au fond rien d’autre que la longue et complexe expérience humaine sédimentée par la suite des générations ; et ici, il y a peu de différences entre celles de la science et celles de toute tradition, dont les sciences les mieux vérifiées tirent aussi toute leur efficacité sociale.

Bernard Petit (02/03/2017)

 

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Du relativisme et du nihilisme

Publié le 6 Novembre 2012 par Bernard Petit dans Ethique et politique

 

 

 

Du relativisme et du nihilisme. 

   
Le relativisme a mauvaise presse, y compris chez des philosophes qui n'hésitent pas à utiliser couramment le dicton "tout est relatif". Mais si l'on n'est pas relativiste, que peut-on vouloir dire par là?  J'accorde sans peine qu'il existe des opinions "relativistes" qui ouvrent la voie à l'égoïsme délirant et au nihilisme relationnel (on est tous seuls et rien ne vaut la peine…), et que la responsabilité en "revient" plutôt à l'usage que certains font du relativisme, qu'à cette position philosophique elle-même.
       Mais une critique efficace devrait aller plus loin:
  1) Le concept de relativisme est loin d'être clair et univoque depuis ses débuts antiques, et il est difficile de le séparer d'une position humaniste sans inconséquence logique (faute courante chez ces opinions peu soucieuses de cohérence); la formule du philosophe grec Protagoras est un bon point de départ: "l'homme est la mesure de toutes choses". Mais il s'agit du genre humain, pas de l'individu; ce n'est pas Socrate, ou Protagoras, qui est le fondement de toutes valeurs et de toutes vérités, c'est "Nous" en tant que sujet collectif, particularisé par une culture et des consciences individuelles (ce qui ne s'oppose pas à l' universel humain de la science ou du droit).
 
   2) Le relativisme philosophique n'est pas l'approbation égale de toutes les opinions et de tous les goûts: le principe de tolérance, qui tient à ce que toutes les opinions aient le droit de s'exprimer, n'implique pas qu'elle se valent toutes, et chacun pour soi admet en lui-même des préférences, ce qui prouve suffisamment qu'il hiérarchise pour lui-même ses goûts et ses "valeurs". C'est la personne qui a une valeur "absolue", pas chacun de ses actes ou chacune de ses pensées.

   3) La diversité des opinions et des goûts est un fait souvent surestimé:
 - quantitativement, il n'est pas vrai, et c'est pour le moins difficilement vérifiable, que " à chacun ses goûts" ,au sens où tous les individus auraient des goûts différents de tous les autres; sociologiquement, c'est même le contraire qui est manifeste! (les succès des stars de tous les arts du spectacle suffisent à le prouver)...
 - qualitativement,la diversité des opinions est un état de fait qui n'implique aucun droit à une diversité de valeurs équivalentes (si l'on entend par là les principes fondamentaux de nos jugements); il est très abusif d'assimiler des cas de préférences individuelles à des écarts de valeurs culturelles :quand je préfère Mozart à Wagner, ou Spielberg à Woody Allen, j'exprime des éléments d'une histoire personnelle complètement relative aux mêmes contextes culturels et aux mêmes codes de valeurs (la musique classico- romantique européenne des XVIII-XIXe siècles, le cinéma américain des années 1960-2012...). Des préférences ne sont possibles qu'à l'intérieur d'un même système de connaissances et de comparaisons: au sens strict, je ne peux pas dire que je n'aime pas la musique des Inuits du Groenland si j'en ignore tout sauf cette appellation générale, et je peux dire que je n'en sais rien si je ne crains pas de reconnaître cette ignorance relative.
   Bref, il y a toujours beaucoup moins,en fait, de divergences de "valeurs" que de différences individuelles, qui ne peuvent devenir des valeurs sans confondre gravement les personnes (valeurs juridiques fondamentales) avec le moindre détail de leur existence (une mèche de cheveux,par exemple...), ce qui révèle un fétichisme plutôt favorable au nihilisme qu'au relativisme philosophique. 

 

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Le cas du terrorisme international

Publié le 4 Novembre 2012 par bernard petit dans Ethique et politique

 

 

 

     Même si l’on pense que la violence en général est naturelle et « éternelle », cela n’empêche pas d’essayer de comprendre ses formes particulières, notamment dans l’histoire humaine.

      L’Occident contemporain a inventé le terrorisme international en produisant des foyers de terrorisme disséminés, que ce soit en Occident, dans ses anciennes colonies, ou dans des « colonies potentielles » au sens économique et idéologique, autrement dit plus ou moins sur tous les continents. Cela ne veut pas dire que l’Occident est le seul responsable des activités terroristes, car les autres civilisations en ont connu et sécrété d’autres formes, comme tous les empires génèrent des modes de résistance et de dissidence.

    Mais la mondialisation, d’initiative en grande partie occidentale, est nécessairement un foyer de terrorisme multiforme et multipolaire. Si l’on a tant de mal à distinguer la violence des groupes terroristes et celle du terrorisme d’Etat, c’est au fond en vertu d’une collusion objective entre les deux adversaires, souvent contre la volonté des intéressés, mais pas toujours : certains actes terroristes arrangent bien les affaires des autorités officielles, qui trouvent dans le sentiment d’insécurité de quoi nourrir le besoin d’un pouvoir protecteur renforcé (disons avec Freud : symboliquement dérivé du pouvoir patriarcal de l’enfance et de la religion), ce qui peut mener à un régime totalitaire à l’intérieur d’une constitution démocratique, si l’état de « guerre aux terrorisme »est considéré comme permanent…

   Car un empire et ses résistances terroristes sont en continuelle situation d’échanges symboliques et matériels. Contre l'opinion "angélique" selon laquelle la violence émergerait de la rupture de la communication, rappelons que deux combattants échangent beaucoup de choses: des défis,des assauts, des ruses,des coups...Ce qui veut dire que la violence n'est pas forcément le contraire du "dialogue", c'est aussi un mode de communication et un certain usage des forces en présence. Ce n'est pas parce qu'on discute qu'on fait la paix, c'est parce qu'on veut la paix que l'on cherche des compromis dans la discussion.

   En ce sens, la violence est bien réelle, mais elle ne l’est jamais plus qu’en étant spectacularisée, puisque la stratégie terroriste consiste autant à faire savoir qu’un attentat est toujours possible qu’à en réaliser un qui prouve cette possibilité. C’est en ce sens que Jean Baudrillard (1) a pu dire que le 11 sept 2001 n’ a pas eu lieu : non que les destructions n’étaient pas physiquement réelles, mais que leur réalité physique était insignifiante à côté de leur importance symbolique  (l’Irak et l’Afghanistan en savent encore quelque chose, ainsi que les armées qui s’y affrontent « en conséquence » du 11 Septembre) : « n’a pas eu lieu » signifie surtout que cet événement ne s’est pas arrêté à cette date, et même qu’il avait déjà commencé avant ; qu’il n’a donc ni lieu ni date assignables, puisqu’il s’est à moitié déroulé « en direct » devant des caméras de TV qui le diffusaient « en temps réel » aux quatre coins du monde. S’il a eu lieu, est-ce à New York ou sur les réseaux internationaux de télévision ?

    Il serait plus juste de dire que des flux de réalités physiques se sont connectés sur des flux de communication de signes et d’images et d’idées, sans qu’on puisse les couper autrement que ponctuellement et localement, comme de simples intermèdes. La permanence du fonctionnement médiatique planétaire produit une déréalisation systématique de l’histoire contemporaine, voire de l’histoire tout court. Ainsi s’expliquent mieux  les dénis des révisionnistes ou les délires des conspirationistes: "puisque nous pouvons inventer des fictions d’un réalisme saisissant, puisque la connaissance semble se réduire à la manipulation médiatique foisonnante des images et des signes,qu’est-ce qui nous obligerait encore à croire aux génocides nazis, aux goulags soviétiques et aux bombes atomiques américaines sur Hiroshima et Nagasaki ?..."

    Si la conscience humaine ne peut plus faire de différence certaine entre le réel et ses représentations et reproductions médiatiques, cela signifie la disparition du réel dans le système médiatique, la déréalisation du réel, tandis que « philosophiquement », on peut dire que le plus irréel est encore du réel (la subjectivité, les rêves, l’imaginaire, les fictions mythiques, artistiques ou médiatiques sont des faits de civilisation, non des illusions).

     Ce que signifie le système médiatique global, c'est qu' "il n'y a plus rien de réel" : Marilyne Monroe, Elvis Presley ou Michael Jackson ne sont pas morts, puisque chaque jour aux quatre coins du monde, tout un chacun peut les revoir et les réécouter par cd, dvd ou vidéos sur internet. Ils se sont absentés, mais pas plus que de grands voyageurs …

     Ainsi, il n’y a rien à gagner dans la compréhension du terrorisme si l’on sépare les intentions et les effets, les buts et les moyens, les acteurs et les spectateurs. Car le spectacle du terrorisme s’adresse aux peuples dans leur ensemble, à l’Humanité mondialisée et mondialisante : les Etats (et aussi les pouvoirs économiques et médiatiques !...) mondialisent en terrorisant (plus ou moins en douceur), les groupes terroriste répliquent à l’adresse des Etats mais aussi des peuples « innocents » pour leur rappeler que les groupes terroristes ne sont  que des fractions de « peuples impossibles »; et les innocents  sont terrifiés et consternés par ce spectacle d’autant plus incompréhensible qu’il est sans spectateur particulier. Au fond, nous nous terrorisons nous-mêmes par l’intermédiaire de la violence étatique et terroriste : mais il est si facile et si bon d’avoir peur des représentations du mal!... Le poète latin Lucrèce le rappelle au début de son éloge de la philosophie (De la Nature, livre 2, extrait dont j’assume la traduction) :

 

             « Il est doux, quand sur la grande mer les vents perturbent les flots,    

                D’assister de la terre aux dures épreuves d’autrui ;

                Non que la souffrance de quiconque nous soit si grand plaisir,

                Mais comprendre à quels maux on échappe soi-même est délectable.

                Il est aussi doux de regarder les grandes scènes de guerre

                Et les mouvements militaires sans prendre part au danger.

                Mais rien n’est plus délicieux que se maintenir solidement

                Dans les hauts lieux fortifiés par la pensée des sages,

                Régions sereines d’où l’on peut contempler les autres hommes,

                Les voir errer de tous côtés, chercher au hasard le chemin de la vie,

                Rivaliser de génie, se disputer la gloire, s’efforcer jour et nuit

                Par un rude labeur, de s’élever au sommet de la richesse et du pouvoir.»

   

   En reconnaissant que « nous sommes tous des terroristes mondialistes », on pourrait donner à penser que l’on sonne la victoire du terrorisme international et de l’idéologie de l’insécurité qui fait les beaux jours du totalitarisme : si nous vivons dans la peur, nous cessons de croire aux institutions et  le fantasme terroriste est satisfait ; ou bien nous réclamons un renforcement des pouvoirs institués, et le fantasme totalitariste est satisfait.

    Ainsi sommes nous tous responsables, activement ou passivement, de ces spirales de

violence; et il y aurait alors peu de différence entre les serviteurs de l’Empire et les innocents résistants ou victimes...

   Pourtant je crois qu’il y a beaucoup de différences importantes (et il n’y a même que ça dans l’Humanité !...). Les groupes terroristes ont déjà perdu leur cause, en passant d’une stratégie de sabotage et de guérilla à une stratégie terroriste : ils ne savent plus identifier leur adversaire, et c’est pourquoi ils le « situent » dans une population indistincte ;ce qui ressemble étrangement à la position inverse des pouvoirs anti-terroristes, qui font la guerre à un ennemi virtuel et fluctuant :  groupuscules en réseaux, réseaux de groupuscules…

    Ce terrorisme groupusculaire ressemble à une stratégie crépusculaire : non pas le combat des faibles (les forces sont aussi nombreuses que les différences) mais celui des vaincus de l’heure (ce qui ne veut pas dire que certains ne seront pas de futurs vainqueurs, quand la période aura changé et s’ils peuvent « convertir » leur stratégie terroriste sans avenir en militantisme plus pragmatique). Néanmoins, on ne dira pas que les vainqueurs sont les Etats. Le vainqueur en l’occurrence est toujours un Empire (la Science-fiction nous dit sur ce point des choses fondamentales, depuis Fondation, d’Isaac Asimov, jusqu’à Star Wars  (2) de George Lucas, ou I, Robot, d’Alex Proyas, d’après d’autres roman de Asimov), même si l’on ne sait pas toujours lequel (il peut même émerger ou se transformer à l’issue d’une guerre…)

   Ainsi nous sommes les gestionnaires et les locataires héritiers de la colonisation de plusieurs continents méconnus, de plusieurs civilisations mal comprises, de plusieurs révolutions (technoscientifiques, économiques, politiques…) qui dépassent les groupuscules et les individus, qui figurent toujours,dans l’Histoire, les Beautiful Losers (beaux perdants) dont parle le roman de Léonard Cohen…

 

 

(1) De Jean Baudrillard,on peut lire par exemple : La société de consommation ; ou encore L’Echange symbolique et la mort (Gallimard). De Marshall MacLuhan, Pour comprendre les média (Seuil).

(2) Littéralement : « les Guerres de l’Etoile », et non la Guerre des Etoiles

Ah ! ces traducteurs, quels fantaisistes!...

 


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Sur le droit à l'avortement

Publié le 25 Juillet 2012 par Bernard Petit dans Ethique et politique

 

 

 

Sur le droit à l'avortement

 

 

    La question de savoir si l'embryon est vivant ou non est depuis longtemps réglée par les sciences biomédicales: il est vivant. Mais c'est précisément pourquoi l'avortement volontaire (interruption programmée, par la femme enceinte, de sa propre grossesse) doit  être un droit moralement reconnu et légalement organisé.   

   Personne ne demande si l'on a le droit de jeter une vieille chaise si l'on n'en veut plus; mais on se demande si le propriétaire d'un chien a le droit de l'abandonner ou de l'abattre s'il devient trop gênant: la chaise est inerte, le chien est vivant…

l'embryon humain l'est aussi,évidemment. Ce qui ne veut pas dire qu'il a une personnalité ou une âme au sens psychologique et moral : est-il un individu vivant et pensant ?

   Là encore, la biologie répond depuis longtemps: il n'est pas viable comme organisme autonome: il ne survit que par son milieu utérin. Du point de vue psychologique et moral, il n'est jusqu'à sa naissance qu'une partie de la personnalité de la femme enceinte: c'est elle qui en est responsable, qui doit décider pour lui, ce qui ne veut pas dire seule, et sans en discuter avec son entourage. Mais cela veut dire que, si elle n'est pas manifestement irresponsable, c'est à elle que doit appartenir la décision ultime de mener ou non sa grossesse à son terme. Il n'y a ici qu'une seule conscience de soi, un seul organisme générateur, un seul vivant qui risque sa vie, sa santé et sa destinée, celle de la future mère. On peut même ajouter que dans les cas où elle est mentalement irresponsable, la question doit se poser à l'entourage de savoir si elle est capable de devenir mère ou pas, si les conditions suffisantes de l'éducation d'un enfant seront réunies, etc. Il est évident que le père reconnu, les familles et leur entourage social et médical ont leur mot à dire, à titre de conseil ou d'autorité responsable partielle. La décision ne peut être naturelle et automatique : elle ne peut être que réfléchie et conventionnelle, socialement discutée. Mais ce n’est pas parce qu’elle est conventionnelle qu’elle ne doit pas être la plus rationnelle possible, au contraire : la rationalité humaine a bien peu de prise sur les instincts les plus anciens de la vie.

  Dans ces conditions, on ne peut guère être d'accord pour dire que les partisans et les adversaires de l'avortement sont à égalité, et qu'il suffit de prouver que l'embryon ou le fœtus est vivant pour devoir refuser ou condamner l'avortement. En réalité, personne n'est sérieusement pour le fait d'avorter: tout le monde préfèrerait éviter cet acte traumatisant (plus ou moins) et non banal (mais qui est content d'abandonner ou de faire piquer son chien parce qu'il a la rage?...). La question cruciale n'est pas d'être pour ou contre l'avortement, mais pour ou contre le droit à l'avortement: la pleine possibilité sociale, morale et matérielle, pour une femme enceinte, d'opérer avec assistance médicale une interruption volontaire de sa grossesse, si elle juge la grossesse ou la naissance trop dangereuses pour sa santé et celle de l'enfant, ou encore sa situation trop précaire (psychologique, sociale, matérielle).

    Il ne s'agit pas d'un droit de supprimer une vie sans conditions ou par simple caprice, mais d'assumer les responsabilités des personnes existantes les plus concernées. L’embryon,ou le fœtus, n'en fait pas partie, sauf à titre de fantasme: tout le monde veut parler à sa place (et comment faire autrement ?...), mais il s'agit de savoir qui a le droit de décider à la place d'un être...qui n'a aucune place avant sa naissance!...Qui doit avoir ce droit sinon la future mère à l'esprit éclairé avec l'aide de l'entourage le mieux avisé sur sa situation? Je crois que c'est ce que le droit à l'avortement entend régler, si possible indépendamment de tous préjugés moraux, psychologiques et superstitieux, dans l'intérêt de la mère virtuelle, de l'enfant virtuel et de leur entourage virtuel. L’avortement peut donc difficilement être conçu comme un bien, mais plutôt comme un moindre mal dans certaines situations.

    Pas question,donc, de banaliser son usage, ou de l'encourager comme équivalent d' un procédé de contraception préventif. Et peut-être faut-il aussi accepter le risque que quelquefois il puisse vouloir être utilisé en ce sens: mais n'est-ce pas largement préférable aux avortements clandestins et privés de compétences et d'assurances médicales ?... Par ailleurs, les adversaires de ce droit révèlent généralement , par la pauvreté de leurs arguments et la rage de leur fanatisme, l'origine idéologique et passionnelle de leurs positions: préjugés intégristes, haine de la science et de la médecine laïques, archaïsmes religieux se mélangent aveuglément dans leurs manifestations et leurs déclarations publiques.--- Comme si supprimer un embryon de six semaines pouvait être tenu pour équivalent au meurtre prémédité d'un bel enfant de trois ans ,qui marche,parle et joue, déjà bien engagé sur le chemin de l'autonomie individuelle!...

  Reconnaissons donc que si l'on ménage parfois cette position, ce n'est pas parce qu'elle est intellectuellement solide, ni moralement supérieure, mais parce qu'elle est affectivement et idéologiquement sensible: il serait évidemment inutile (et aussi inhumain) de braquer les âmes a priori choquées par ce droit (mais on pourrait remarquer que ces mêmes âmes si sensibles sont souvent favorables à la peine de mort, en France ou ailleurs...), puisque le but n'est pas de leur imposer ce droit mais de les convaincre de sa légitimité morale et de sa rationalité sociale (rappelons pour mémoire que l'avortement est depuis toujours pratiqué assez librement par les classes privilégiées de toutes les sociétés, démocratiques, aristocratiques ou monarchiques).

   Pour conclure, le droit démocratique à l'avortement ne signifie pas le mépris de la maternité, l'irresponsabilité des adultes à l'égard du futur humain, un prétexte à la licence sexuelle ou la capitulation de la conscience morale devant ce que la vie aurait de plus sacré; et il est probable que l'on n'ira jamais avorter la joie au cœur et la fierté dans l'âme....Mais ce droit exprime la volonté éclairée d'assumer la naissance et l'éducation avec un minimum de conditions favorables et un maximum de responsabilité raisonnable, de la part des futurs parents et des sociétés où s' inscrivent les divers types de projets parentaux. A ce titre, on peut le tenir comme une des conquêtes majeures de la conscience et de la civilisation démocratiques modernes.  

 

*

 

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Du droit de donner la mort dans certains cas.

Publié le 25 Juillet 2012 par Bernard Petit dans Ethique et politique

 

                                     Du droit de donner la mort dans certains cas.

   Par quelle mystérieuse perversité devrait-on associer ces deux questions: la peine de mort et l'euthanasie?... Certains y ont ajouté le suicide...pourquoi pas, en effet? Il me semble qu'il n'y a pas d'autres points communs que celle "du droit de donner la mort". Mais quel est le rapport précis entre la peine capitale, l'euthanasie, le suicide, les actes définitifs de légitime défense, la guerre, etc. ?...personnellement , je n'en vois pas beaucoup.
1) Si l'on répond que nul n'a le droit d'ôter la vie, je sympathise, mais j'observe que les vivants font ça constamment, qu'ils soient animaux, végétaux ou humains: la Vie force les vivants à supprimer d'autres vies, probablement depuis que la Vie existe... Et certes cela n'en fait jamais une source de droit, sauf par la force des préjugés. Mais il est aussi faux de croire que les vivants s'entretuent sans raison, n'importe comment et pour s'amuser. De même qu'il y a des règles de vie (instinctives ou culturelles), il y a des règles de mort, car la mort n'est pas une réalité étrangère à la vie . C'est pourquoi répondre "oui ou non" de manière globale et monolithique ne me parait pas vraiment sensé: c'est une opinion d'émotion peu utile dans une discussion raisonnable.

2) Il serait donc utile de dissocier les deux questions, comme d'ailleurs les "votes" exprimés dans cette page semblent l'indiquer: certains sont contre les deux, d'autres pour les deux , d'autres pour l'un contre l'autre...sans que le plus souvent il n' y ait de lien logique déterminé entre les deux questions: on reste dans le sondage d'opinion le plus sommaire... L'acte de donner volontairement la mort peut avoir des significations et des valeurs bien différentes, qui me semblent irréductibles les une aux autres: cela peut être un geste d'autodéfense ou de défense d'autrui, de vengeance passionnelle ou de vengeance rituelle; un abrègement de la souffrance, un geste de désespoir, un geste de démence passagère, un acte de stratégie militaire ou politique, un acte crapuleux, un sacrifice religieux... comment croire que les mêmes règles de droit (légal et moral) pourraient s'appliquer dans des cas si différents?...
     On pourrait déjà essayer de proposer deux ou trois principes de "méthode" de réflexion:
1°) De telles règles ne peuvent être décidées par des individus isolés, quels que soient leurs position sociale ou leur type de culture, leurs sentiments personnels ou leurs croyances superstitieuses;
2°) Il ne peut exister de droit sans limites ou conditions bien définies par des textes et des coutumes;
3°) A l'impossible, nul n'est tenu: il faut que les règles de droit soient raisonnablement applicables, même si c'est très difficilement.
     Par exemple, on peut envisager que la peine de mort soit abolie en règle générale, comme c'est le cas dans de plus en plus de sociétés actuelles; cela n'exclurait pas des mesures d'exceptions dans un avenir plus ou moins lointain, comme c'est le cas en période de guerre, sans que le principe de l'abolition soit remis en question: l'argument des nombreuses erreurs judiciaires me semble au moins irrécusable; l'argument de l'inutilité de cette peine pour la dissuasion me sembla aussi très fort; je ne vois pas comment être raisonnable et "antiabolitionniste" aujourd'hui.
   J'y ajouterai celui -ci: ce n'est pas du tout par compassion humaine pour les criminels avérés (ils se moquent probablement de cette compassion...), car il n'est du tout prouvé que la réclusion perpétuelle soit une peine moins dure que la mort programmée. Reste la question des conditions pénitentiaires, qui me parait d'une autre nature, et je n'ai pas grand chose à en dire, sinon qu'il est clair que l' "humanisation des prisons" ne doit pas aller jusqu'à les transformer parfois en résidence confortable: si la prison n'est plus pénible, en quoi serait-elle une peine?... On sait que la prison est aussi une protection des accusés et des coupables contre les représailles de leurs victimes, ce qui est nécessaire au moins pour la sérénité des procédures judiciaires. Mais elles n'apportaient plus de satisfactions aux victimes passées ou potentielles, que resterait-il de leur légitimité?
     Enfin, il semble nécessaire de relativiser du point de vue géopolitique: en France aujourd'hui, la peine de mort est abolie, je ne vois pas beaucoup d'intérêt à la discuter: c'est la qualité, le nombre et l'efficacité des prisons qui constituent plutôt le problème du droit pénal français. La peine de mort est un problème pour des pays comme le Texas ou d'autres, où elle est assez "généreusement" pratiquée...
   Quant à l'euthanasie, c'est d'abord sous la forme de l'acharnement thérapeutique qu'elle se présente statistiquement; il faudrait des statistiques fiables (mais qui souhaite les faire sérieusement?...), mais il ne semble pas que les aspirants soient légions...En tout état de cause, le cas du suicide me semble bien différent : autant qu'on sache, la majorité des suicidaires ne demandent jamais l'aide ou l'autorisation de qui que ce soit pour passer à l'acte. Ce qui suffit à indiquer que l'euthanasie est plutôt un geste social, alors que le suicide est plutôt individuel, et pour cela moins compréhensible par autrui (mais j'admets que la différence n'est pas toujours nette: - les suicides collectifs, comme celui de la secte de Waco?... - les suicides rituels, des japonais ou autres ?...).
    Bref: le droit de donner la mort ne peut pas être reconnu sans de nombreuses conditions très rigoureuses, et dans des cas très exceptionnels; mais on voit mal comment il pourrait être absolument interdit sans rêver naïvement d'un monde sans vie réelle. Le respect de la vie peut impliquer dans certains cas (rares) le droit de donner la mort...
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