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 Jazz-rhapsodie pour musique et philo

Penser ce qui devient, déchiffrer les signes, pour résister à la médiocrité nihiliste et produire une jubilation!...

Catastrophe anthropologique et musicomania planétaire

Publié le 27 Octobre 2011 par Bernard Petit dans Vivre et philosopher

   

 

 


 

 

Catastrophe anthropologique et  musicomania planétaire

    (commentaire de  Paul Virilio, Le Futurisme de l’instant,2009,Galilée).

 

     L’ humanité est, littéralement, en train de « perdre son temps » dans le culte de la vitesse, de l’instantané et de l’énergie pure : énergétisme, jeunisme, hédonisme puéril, "performatisme"... Plus précisément : non perdre du temps sur ce qu’elle aurait à faire, sur la réalisation d’un but ultime à accomplir plus rapidement qu’elle ne le fait,mais au contraire le risque de perdre le sens de sa propre temporalité,biologique et historique, et peut-être même le sens de la temporalité en général.  

     Cette illusion d’atemporalité, ce sentiment du caractère secondaire et accessoire du temps, de la durée, des rythmes propres à chaque processus ou événement, semble la forme actuelle de dénégation du devenir qui sous tend aujourd’hui la mythologie ou l’idéologie dominante. Elle se soutien d’ailleurs d’une autre illusion symbolique et technologique, l’illusion de dématérialisation : la croyance diffusée par le langage « postmoderne » selon laquelle l’information, les savoirs, les moyens de communication , de transport et de production évolueraient nécessairement vers un devenir gazeux puis immatériel, notamment par l’accélération généralisée de tous les flux. On croit que plus l’énergie s’accroît, plus la matière se fluidifie, se sublime et se spiritualise ! Comme si l’énergie  et la matière étaient non seulement des polarités opposées, mais inversement proportionnelles ! Par une interprétation délirante de la formule « einsteinienne » E=MC2, on propage le mythe que la différence entre la matérialité corporelle et la puissance de la pensée, c’est l’efficacité énergétique explosive!...oubliant au passage que les puissances de la pensée et de la connaissance tiennent nécessairement à la durée, à la continuité et à la consistance générative de ses dispositifs matériels !...

      Une énergie  et une information dématérialisées : quelle drôle d’idée ! Mais peut-être est-ce un nouvel avatar de notre vieille superstition d’immortalité de l’âme : quand le monde humain sera totalement dématérialisé, qu’aurons-nous à craindre de la violence, de la vieillesse, de la maladie, du temps,de la mort,de la vie ?...Tous enfin sauvés ! Vive le Messie !...

     Par ailleurs, on ose à peine qualifier tout cela de mythologie, car dans les mythes analysés par les sciences humaines jusqu’à présent, la symbolique du temps est fondamentale, même sous une forme cyclique ou eschatologique (Lévi-Strauss, Eliade, Barthes, Jung, Morin,etc.). Mais, dans ce culte nihiliste de la vitesse et de l’énergie pure, on a plutôt affaire à une dénégation brute et vide : « plus vite, plus loin, plus pleinement… » sont les mots d’ordre les plus usités en des sens à peine variés, comme si leur signification était si évidente qu’elle se passe le plus souvent d’explication. On a plus à se demander si c’est un progrès, et de quelle nature, que de « vivre plus » : cela va de soi et le sens en est clair pour tous. Comme si , au terme de ce progrès (identifié d’office au sens de l’évolution en général), l’humanité devait finir tôt ou tard par annuler toutes limites et toutes conditions, abolir silencieusement la mort inepte, le temps aveugle, le devenir indifférent, l’imprévisible chaos universel. Freud écrit quelque part que « le monde n’est pas une nursery » : il semble que l’humanité moderne ait cessé de croire à cet euphémisme tragique, ayant réussi à se convaincre qu’un beau jour, son monde le deviendra grâce à sa bonne volonté et son ingéniosité !...

    On pourrait donc parler de catastrophe anthropologique, et même ontologique,  dans la mesure où le destin de la planète Terre commence à devenir de plus en plus lié à celui d’une espèce particulière (appelée en français "humanité") qui s’imagine investie d’une mission et d’une responsabilité générale, sinon cosmique,même si quiconque serait bien en peine de la formuler.

    Prenons malgré tout une partie de ce risque: l’homme se charge du salut ou de la sauvegarde de ce qu’il trouve injustement en danger (ou même de ce qu’il a lui-même mis en danger) sur sa planète. Perdre le temps,concrètement ici, c’est se fier à des durées invivables : l’instant, dans les nano chronologies, qui traitent les informations en milliardièmes de secondes, échelles de vitesses imperceptibles, sinon par certaines micro et nano machines : vitesses calculables, mais invivables et même impensables.

    Or, c’est  précisément la différence fondamentale entre la pensée et le calcul : partout où la pensée prend du temps, la durée modifie qualitativement ce qui est pensé. Au contraire, le propre du calcul, c’est de pouvoir reproduire indéfiniment les même opérations sans variations qualitatives, les variations quantitatives étant complètement intégrées dans l’algorithme, donc « réellement » atemporelles, même si par ailleurs certains calculs prennent un temps « psychologique ». Mais justement, si un calcul est par définition une opération nécessaire et automatique, la moindre durée apparaît comme une absurde perte de temps : à trop calculer, l’homme se fatigue, la machine, jamais ; elle s’use,mais sans lassitude. Le progrès de la rationalité semblerait ainsi tendre vers l’annulation des opérations de calcul dans les êtres pensants.

   Telle est l’apparence. Mais, le calcul n’est au fond pas seulement une opération automatique et purement quantitative. Par instinct ou par habitude, tous les vivants calculent en pensant, parce qu’un calcul est aussi qualitatif ; chaque opération a son propre sens et ses propres points d’application, qui reviennent toujours à des problèmes vitaux, biologiques,éthologiques, économiques et écologiques. Mais si l’ordinateur ne pense pas, au sens biopsychique, il ne se contente pas de calculer, il traite : il connecte des flux énergétiques, il multiplie les circuits et les réseaux d'énergie et d'information. Son pôle positif, c’est de créer de plus en plus vite des relations hétérogènes, de nouvelles multiplicités qui relient l’Autre à l’Autre. Son pôle négatif,  c’est de risquer l’extermination du temps, dans l’illusion de l’abolition des durées et des distances.

Tout gain entraîne une perte ; tout progrès, tout passage, entraînent un sacrifice ; et apprendre à vivre, c’est aussi apprendre à perdre.

  

   La médiacratie, c’est la synchronisation instantanée et planétaire des émotions. D’où une utilisation maniaque de la musique : une musicomania (à distinguer de la musicophilia de Oliver Sacks) qui compense l’angoisse de la perte de temps par le sentiment de « prendre du bon temps », éprouvé optimalement dans l’écoute musicale : on ne peut perdre son temps à le passer dans la jouissance complice de la musique, dont le temps est aussi nécessaire que « productif ». Musique : jouissance d’un temps pur égalée à une extase d’éternité (« un peu de temps à l’état pur » dit Proust ; « nous sentons et expérimentons que nous sommes éternels » dit Spinoza).

    Mais écoutons aussi l’avertissement de Tolstoï : « là où l’on veut beaucoup d’esclaves, il faut beaucoup de musique ». Les galériens  antiques étaient « bercés » (abrutis ?) et stimulés par de lourds battements de tambours ; les serfs du Moyen Age européen se rassemblaient dans les églises au son des cantiques grégoriens ou dans les temples au son des chorals luthériens ; les esclaves noirs chantaient dans les plantations de coton des Etats-Unis du sud: tous ces faits devraient davantage nous faire réfléchir…Les mêmes musiques qui semblent parfois salutaires et libératrices pourraient-elles être aussi asservissantes et serviles ?A moins qu'une musique ne soit rien d'autre que ce qu'on lui fait faire: endormir ou réveiller,libérer ou asservir...

    Une histoire déjà longue nous porte ainsi à croire qu’il n’y a pas de meilleure propagande ni de meilleur conditionnement que les techniques musicales. Et c’est toute l’ambiguïté des pouvoirs musicaux : la pensée peut y trouver l’extase la plus libératrice ou la fatalité la plus implacable. Peut-être que les puissances musicales sont toujours les instruments d’un médium qui tantôt informe et tantôt formate, tantôt instruit et tantôt manipule. Le charme d’Orphée ou celui des Sirènes, tantôt Eurydice, tantôt Carmen:peut-être les deux tour à tour…    

      Et s’il y a quatre modes d’entente par la communication, quelle est le mode préféré de la musique : la séduction, la persuasion, l’argumentation ou l’assentiment intuitif ? Cela ne dépend-il pas de chaque usage musical?... 

     C’est aussi l’ambiguïté du nihilisme contemporain. Jamais la vie humaine n’a peut-être été aussi paisible et assurée, mais jamais le sens de cette vie n’a été autant lié à son annulation silencieuse :

-         selon Nietzsche, le nihilisme  est la dégradation des valeurs par indifférenciation, par abolition des distinctions, des hiérarchies et des nuances d’interprétation : tout doit devenir égal,car il n'y a au fond que des différences de degrés, et tout se vaut. Ainsi, pas de différence entre le possible et l’impossible, le possible et le désirable,  le passé et l’avenir, l'homme et la femme, l'adulte et l'enfant, l'un et le multiple,le virtuel et l'actuel, etc. ;

-         selon Arendt, « le nihilisme consiste à croire que tout est possible » ;

-         selon Virilio,  le nihilisme contemporain consiste à « croire que le Rien est possible ».

 

    Maintenant, on n'est peut-être pas obligé de rester nihiliste. Dieu merci, l'univers a déjà

connu tant d'apocalypses, que s'il devait disparaître un jour, il serait incompréhensible qu' il

ne l'ait pas déjà fait!...  

 
 

 

 

 

 


 

 


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La fugue est-elle futile?

Publié le 22 Mars 2011 par bernard petit dans Littérature

 

 

 

 

 

Délire le chant futile et fragmentaire

Aime le plaisir hémiplégique et vert

Tourne les tourments de l’esprit d’hécatombe

Frôle les frêles îles des Pauvres Bienheureux

 

Casse les prisons noires faussement bricolées

Etudie les tueries et les plus durs dictats

Ecoute les cantiques aux labeurs éminents

Frissonne avec le vent dans les forêts d’écume

 

Il faut faire des tours et de graves contours

D’ardentes mises au point en tracasseries grises

De froides mises au pas en piteux fracassages

- En faut-il ? - Il en faut !

 

C’est un besoin utile et un destin futile

 

 

 

 

                                    Bernard Petit (30/10/2010)

 

 

 

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Avoir été

Publié le 21 Mars 2011 par bernard petit dans Littérature

Avoir été

 

 

 

C’était un souvenir de chevelure sombre

Qui embaumait le musc et le fort patchouli.

Lascivement, sur un divan couvert d’un patchwork népalais,

Elle se racontait avec une voix douce,

Alanguie mélodie aux voiles arabesques,

Des fumées de l’encens et du cannabis frais.

 

Etait-ce Séréna, Nathalie ou Lisa,

Qui nommaient de si loin ces volutes violettes ?

A moins que ce ne fut Geneviève ou Sofia

Dont les émanations revenaient vers le soir,

Sans qu’aucune présence ne semble les forcer

A la réminiscence…

 

Ces ombres, errantes et folles, me pardonneront

D’avoir un peu oublié et leur nom et leurs sens…

D’autant plus que ce trouble avive leur mystère,

Le charme avantageux de leur évocation…

 

La vie ouvrait à peine ses bras si souriants,

Et si ironiques, tout en nous propulsant vers

L’inconnu recueillant, inattendu ou non…

Nous commencions d’apprendre

Que naître est si facile et que renaître est tout…

 

 

 

                                                       Bernard Petit  (23/01/2011)

 

 

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Nouveautés percutantes

Publié le 1 Mars 2011 par bernard petit dans Musique

 

 

 

 

 

 

Nouveautés percutantes

Rhapsodie (dé)concertante

 

*

 

 

1) Allegretto vivace un poco sfumato  (Plutôt rapide, vif et un peu vaporeux)      

         vertudieu que c’est con cette adoration naïve de la nouveauté         regardez les ados croient toujours que ce qui leur arrive c’est toujours la première fois et que ça ne peut arriver qu’à eux         pourquoi moi mon dieu qu’ai-je fait pour mériter ça        mais les ados n’ont peut-être rien inventé même pas leurs petits problèmes égocentriques         relisons le Livre de Job un des plus anciens grimoires bibliques         c’est déjà la complainte de la cosmique injustice avec son espérance comique de réparation         et encore Le Cid de Corneille c’est le gémissement de Dom Diègue         ô rage ô désespoir ô vieillesse ennemie n’ai-je donc tant vécu que pour cette infamie         et certes oui ce n’est pas juste mais qu’on soit jeune ou vieux rien ne l’est en dehors de nos habitudes et conventions qui donnent les fantasmes et grimaces de la justice         et si tout est culturel peut-être que rien n’a besoin d’être rationnel mais seulement coutumier       sagesse tragique oui mais alors comment vivre

         certes l’idée d’une prose tout azimut sans programme ni ponctuation n’est pas nouvelle depuis ce XXe siècle expérimentateur         et ce n’est pas parce que l’ impro-visation peut réussir au musicien qu’elle réussit à l’écrivain         mais alors répondons que ce n’est pas parce qu’une règle a été déjà utilisée abondamment qu’on ne doit plus le faire en vertu du principe qu’au moins dans les arts l’essai et l’usage priment sur la norme et le devoir        

         et de plus si l’ écriture percurrente          dixit Sollers sur son Paradis

est une forme expérimentale il n’y a pas de principe a priori qui puisse en définir le nombre capable d’en épuiser la pertinence         en outre il n’ y a pas d’expérience  sans risque même si le risque n’est pas toujours le motif de l’aventure         enfin on peut ajouter que faire une expérience est une chose et la comprendre en est une autre       notre époque semble très forte pour le premier point mais beaucoup moins pour le second         

         tant d’expériences et si peu de leçons         quel sens peut avoir une expérience volontaire sinon de vouloir en refaire ou en éviter d’autres         aussi l’idée que toute expérience est désirable ou profitable sert surtout à justifier a priori n’importe quelle tentation et a posteriori n’importe quelle absurdité         disons plutôt que c’est une sottise qui suppose une absence quasi complète de discernement entre ce qui vaut la peine d’être essayé avec un intérêt probable          même en cas d’erreur ou d’échec

        et ce qui est probablement du temps perdu dans un jeu qui ne vaudra pas la moindre chandelle         l’ écrivain cinéaste  Michel Audiard en proposait naguère une formule bien frappée         les cons ça ose tout c’est même à ça qu’on les reconnaît                 certes on peut réclamer et déclamer avec Danton de l’audace encore de l’audace toujours de l’audace         oui mais cela ne veut pas dire seulement de l’audace         courage sans ruse n’est que puérile témérité dont on ne devrait jamais admirer la récidive         les cimetières et les champs de bataille sont pleins  d’audacieux anonymes qui n’ont peut-être légué rien d’autre que le souvenir de leur dernière audace

         mais il est vrai que lorsque les valeurs intellectuelles fondent sous les projecteurs permanents de la médiocrimino-médiacratie il faut bien se réfugier vers ce qui ressemble le plus à d’autres vertus          et lorsqu’ on peut être idiot sans être lâche il est plus facile de montrer du courage physique qu’un intellect anticipateur qui passe moins bien à l’image        

         cette seconde faculté semble même si rare que l’esprit superstitieux a pu en tirer la croyance à la voyance sans s’apercevoir que         l’art de la divination n’est rien d’autre qu’une intelligence pratique habile à déchiffrer les signes et qu’il n’y a pas grand mérite à prédire de grands malheurs à des guerriers prêts à partir au front         qu’ils en reviennent tous indemnes et vivants tiendrait plutôt d’une chance miraculeuse que de la réalisation d’une divine prophétie     

         ici je veux préciser que j’ai le droit voire le devoir de « radoter » justement parce que je n’ ai pas l’âge canonique de le faire         d’ailleurs je n’ai pas d’âge puisque celui qui parle ici n’a d’autre présence que celle de ce texte pour ses lecteurs         tous les auteurs sont ainsi sans âge et c’est même pour échapper aux platitudes de la chronologie qu’ils deviennent scripteurs         et puis j’ignore à combien chiffrer l’âge du radotage         et c’est d’ailleurs sans importance puisque mon but est d’abord de ridiculiser le novellisme naïf et son correspondant politique le jeunisme crétinisant         cette double croyance techno consumériste n’est d’ailleurs pas une invention de jeunes mais de badernes technocrates qui s’évertuent à flatter leurs neveux pour les maintenir dans ce qu’ils s’imaginent être le droit chemin de l’ordre établi         il y a déjà quatre décades Jean Baudrillard théorisaitla consommation comme morale dominante des sociétés modernes en décomposition mais il semble que peu d’oreilles aient été assez nettoyées pour l’entendre         le culte de la nouveauté n’a guère d’autre fondement qu’ une tendance fanatique à la production de nouvelles marchandises gadgets signes et autres consommables auxquels on essaie assez vainement d’ailleurs de donner du sens en ne reculant devant aucun ridicule publicitaire         même dans les arts les sciences ou la philosophie on court éperdument après une mythique nouveauté en comptant anxieusement sur une sorte d’inspiration providentielle d’autant plus efficace qu’elle serait volontaire         mais le génie est beaucoup plus malin et capricieux         et comme chante la Carmen de Bizet l’amour est enfant de Bohème et n’a jamais jamais connu de loi 

 

*

 

 

 

 

 

 

 

 

2) Andantino ma non troppo melancolico  

        (Assez lent mais pas trop mélancolique)

 

         on chercherait peut-être en vain dans l’histoire des arts des preuves que de grandes inventions se sont faites en poursuivant la nouveauté pour elle–même         et quand bien même en trouverait-on qu’on aurait bien du mal à en tirer une règle de génialité quelconque         quelle splendide absurdité serait-ce si la nouveauté d’une création n’était pas un but mais un critère d’appréciation dérivé d’un besoin vital d’anonymes  tendances créatrices

         ce n’est pas pour faire du neuf que l’on cherche une œuvre, c’est parce qu’on ne peut vivre sans créer que l’on met tout ce que l’on peut en œuvre pour faire ce que l’on est forcé d’inventer         il n’y a pas deux puissances vitales identiques         c’est en cherchant des solutions à des problèmes vitaux individuels et précis que se font les ouvrages petits ou grands         du type comment donner du courage le plus rapidement et le plus durablement à une troupe de soldats         ou comment aménager le plus commodément un sanctuaire         ou  comment faire sonner tel instrument le mieux possible         ou comment passer du temps à attendre en s’ennuyant le moins possible

         ainsi naissent les chants les temples et les symphonies         toute création de forme est liée à un problème vital technique et à l’expérience de la durée         et l’art le plus profond est une machine à explorer le temps         mais rien de méprisable ici puisque vivre n’est rien d’autre que passer du temps à faire et sentir ce que nul autre ne peut faire et sentir à sa place         bref il est tout à fait vain de rechercher la nouveauté en s’efforçant de ne rien répéter         car en vérité il est aussi impossible de répéter exactement quoi que ce soit que d’exister sans rien répéter du tout         et la question n’est pas tant de savoir comment la création est possible que de choisir celle qu’on préfère favoriser         puisqu’elle est d’abord un donné de nature et que le fait prime le droit ici pour toujours        et de savoir comment se trouve possible  l’ennui dont  Hugo dit qu’il naquit un jour de l’uniformité          comment la monotonie est-elle possible alors qu’absolument  parlant rien ne se répète jamais deux fois         comment chasser l’ennui         allons-y sans confondre l’imperceptible et l’inaperçu         les génies sont des nuanciers         et ils peuvent surtout nous apprendre le sens des fines distinctions de toutes sortes          si l’être le plus sensible à la nouveauté est le plus sujet à l’ennui de la routine et au dégoût de la répétition c’est précisément à cause de sa mémoire complexe héréditaire et sélective par acquisition et comparaison         tout bien examiné lorsqu’elle est exclusive la quête d’intensité est aussi idiote que celle de la durée à tout prix         le sens éthique et le sens esthétique doivent bien pouvoir s’associer sans stupidité         si l’art n’est qu’un jeu parmi d’autres il n’a pas plus de sens que la marelle ou la roulette russe         et la roulette russe semble bien être un loisir de décadent         néanmoins certains bons esprits ont pris parfois le jeu très au sérieux         Diderot Dostoïevski Nietzsche Mallarmé Valéry Artaud Deleuze mais pas n’importe comment         car il y a plusieurs styles de jeux et plusieurs manières de jouer         le jeu est aussi plus qu’un passe-temps divertissant où l’on oublie ce que l’on est en croyant n’avoir rien de mieux à faire         et la conscience de passer le temps est en soi une expérience ontologique souvent sous estimée         même en y projetant des métaphores existentielles comme Paul Valéry concevant la philosophie comme un pur jeu d’idées le jeu est une mise à l’épreuve des éléments de composition du monde         ce n’est pas une condamnation pessimiste de la vie de la pensée et du jeu des concepts mais bien une compréhension salutaire du Tout pensant         Tout conspire et les parcours de l’Etre combinent en termes fusionnels la vie et la mort le jeu et le sérieux le hasard et la nécessité le destin et la liberté         les enfants s’ amusent en pensant n’avoir rien de mieux à faire qu’à s’engager dans des jeux qui leurs sont accessibles          et ce qu’ils apprennent par jeu se résume souvent à apprendre à vivre en jouant et à jouer pour vivre         mais lorsque les nécessités de la vie imposent les réalités les plus dures aux enfants on peut voir que les plus jeunes et les plus ingénus ne sont pas plus disposés à jouer qu’à se battre ou travailler dur         la lutte le travail la politique le sport l’amour l’art ou la connaissance peuvent être au fond des jeux plus complexes plus élaborés plus cruels et plus importants auxquels doivent nous préparer les amusements de l’enfance

*

    3) Presto fortissimo con molto fuoco

        (Très rapide, très fort, avec beaucoup de feu)

 

 

         quel est le critère du bon jeu si le sérieux n’est pas suffisant et si tous les joueurs prennent suffisamment leur jeu au sérieux pour continuer à jouer         disons qu’il faut que ce soit un passe temps stimulant durable et fécond qui laisse des traces importantes dans les mémoires          le souci de la postérité en amuse plus d’un mais c’est peut-être la seule forme d’immortalité          le  sens survient au fait mais s’il n’y a plus d’après le sens disparaît          le désir de célébrité facile bradé avec célérité par les medias de masse  n’est peut-être qu’un ersatz du souci de postérité

         mais il s’égare et s’épuise dans la précipitation et la consommation des signes de reconnaissance communautaire         quels seraient alors les meilleurs remèdes contre la désolation culturelle et la lassitude du quotidien pour se guérir de l’imposture du journal intime et de la lassitude de n’être que soi          l’on peut composer un nocturne ex-time pour y exprimer le nuancier des sentiments sous la libre forme obscure d’un cri fredonné dans la nuit          car ce sont des effets individuels profonds et non des effets collectifs de surface          les systèmes de communication travaillent plutôt à estomper les signes éventuels de cette fatigue en les interprétant comme symptômes pathologiques ou délinquants et en convoquant la médecine ou la police pour administrer leurs remèdes  sans se demander s’ils n’aggravent pas le mal en trahissant  les symptômes         car ce sont d’abord les situations qui sont pathologiques et ensuite les sujets et les systèmes qui d’ailleurs ne fonctionnent jamais sans sujets puisqu’ils sont fabriqués par eux avec eux et pour eux

         les individus sont malades parce qu’ils sont vivants et socialisés mais ils le seraient autant quoiqu’ autrement s’ils étaient solitaires ou morts         quoiqu’on ne puisse pas assimiler la mort à une maladie         et toutes les sociétés seraient parfaites si elles ne concernaient pas des sujets individuels          comme ce que nous savons des sociétés d’insectes en donnent une image approximative         mais en vérité tous les systèmes parfaits sont des systèmes morts et leur perfection vient précisément de l’absence radicale des plaignants         et il n’ y a pas de vie sans système ni processus individuels                   

        précisément la vie a un besoin continuel de créer des systèmes parce qu’elle est continuellement menacée de dispersion de dissémination et de pulvérisation         et tout système est au fond une composition de singularités dynamiques inassignables rassemblées en individus         et tout système a besoin de ces individus et de leurs innovations quitte à éliminer les plus dangereuses et les plus nombreuses         Freud semblait concevoir ainsi dans l’appareil psychique un système de  censure         qui dit jamais à beaucoup de pulsions plus tard à un certain nombre et faites comme chez vous à un aréopage d’élues         alors à quoi bon se plaindre toujours du système si ce n’est pour essayer toujours d’en changer quitte à passer de temps en temps par des révoltes et des révolutions même très violentes         et puisqu’il faut bien s’arrêter comme dit Aristote on peut conclure avec l’invitation de Nietzsche à ce que la philosophie devienne l’apprentissage de l’amour des lointains         non pas un médium de proximité mais plutôt un transport de longues distances         labyrinthique bien entendu comme celui de tout un chacun plus ou moins à son insu

         on y retrouve des brins de folie dans chaque graine de génie         mais peut-être que l’idéologie propre à notre époque consiste dans cette prodigieuses confusion         entre surinformation et compréhension         quantité de communication et qualité du savoir et du goût          individualisme puéril et originalité         unité numérique et personnalité         équivalence ontologique et relativité des valeurs         nihilisme consumériste et conscience ludique         nommons ça l’illusionnisme contemporain                                 

 

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Celui qui devait croire aux signes.

Publié le 11 Octobre 2010 par bernard petit dans Vivre et philosopher

 

 

     Nous avons besoin de signes pour communiquer, penser, agir et comprendre. Pour autant,  nous n’avons pas besoin de demeurer dupes des signes : nous ne devons pas être manipulés par les signes, mais plutôt être manipulateurs de signes, comme le menuisier manipule la scie ou le marteau. La difficulté, qui fait de cette relation un combat permanent, est cette passivité commune aux signes et aux outils matériels : nous somme d’abord les récepteurs confiants de ces paquets fluctuants de signes, que nous avons à travailler pour nous rendre capables de les manipuler efficacement sans en demeurer dupes.

   Pour commencer (et continuer) à s’humaniser, l’hominien est ainsi voué à croire aux  signes et à leurs pouvoirs « magiques » ; autrement dit, ces puissances créatrices, expressives et communicatives, encore confuses et mal connues, mais que toute notre histoire culturelle et symbolique manifeste comme effectives. Les signes agissent réellement mais indirectement. Le tort de la pensée magique, ou superstition, est de croire que leur action s’exerce directement sur les objets, alors qu’elle  passe toujours à travers nos corps, et par ces médiations, dans le monde objectif. La tromperie des apparences consiste donc bien en une intellection précipitée, qui confond les résultats manifestes d’un art avec sa genèse réelle, le plus souvent cachée.  

    Mais cette première erreur pourrait être corrigée sans mal par la connaissance, s’il ne s’en ajoutait une autre, plus coriace parce que rigidifiée par les habitudes. C’est la conviction que cette croyance aux signes ne serait pas seulement un besoin naïf, mais une fatalité sans remède : « l’homme est ce qu’il est, depuis que le monde est monde, et rien ne peut changer sa nature ». Cette négation du devenir, et cet impouvoir du changement, reflètent certes de  réelles et profondes difficultés, mais qui ne signifient pas une impossibilité. On ne sait pas exactement, et l’on ne peut savoir à l’avance, ce que nous pouvons changer ou pas. Nous ne pouvons que faire des essais pour le savoir, mais nous le pouvons toujours tant que nous sommes vivants, tant il est vrai qu’il n’y a pas de vie sans expérimentation, sans activité spontanée et évolutive. Cela ne veut pas dire que "tout est possible ", comme on le dit parfois absurdement;

mais qu'il n'y a pas de ligne de démarcation entre les futurs possibles et les futurs impossibles.

 

 


     Croire, c’est faire comme d'habitude.

     Il y a sans doute bien des façons de croire et divers types de croyance. Mais je crois, avec la tradition empiriste (Hume) et pragmatiste (Peirce), que toutes les croyances sont pratiques, en relation avec une conduite qui est une pratique, une attitude ou un sentiment pratiques :

une croyance est une habitude d’agir. Croire, c’est faire, être disposé ou habitué à faire quelque chose qu’on se représente comme l’objet de cette croyance. Mais comme toujours, on projette sur l’objet des propriétés relatives à notre subjectivité,créées et consolidées par des habitudes constitutives de l’ objectivité même.

    Si l’on objecte que, dans certains cas au moins, la pratique s’oppose clairement à la croyance (par exemple celui qui "croit au Ciel" sans suivre régulièrement les commandements religieux correspondants, qu’on appelle cela bigoterie, tartufferie ou hypocrisie), on peut répondre que croire est aussi autre chose que dire ce que l’on croit. Si je dis que je crois au Christ, mais que je ne fais rien de typiquement chrétien, quel est au juste le contenu de ma croyance ? Est-ce autre chose que la verbalisation d’un credo où je pourrais remplacer le Christ par le Père Noël ou « la mouche qui pète sur Internet » ? Je peux certes être obligé ou contraint d’agir par une nécessité vitale ou sociale, et contre ma croyance profonde : car il faut bien survivre pour avoir une chance de mieux vivre. Mais alors je réagirai à un certain moment, par une conduite de révolte, de dégoût ou de désespoir ; je ne pourrais me contenter de dire froidement ou avec l’hésitation d’un parieur, que « dans le fond, j’y crois », même si ça n’apparaît pas dans mes actes. Car cela peut ne pas apparaître à chaque instant, mais cela ne peut pas ne jamais se manifester, ne serait-ce que comme un symptomatique « retour du refoulé ». C’est en ce sens que Pascal n’a pas tort de dire, contre les moqueries trop faciles, qu’il faut commencer par agir comme si l’on croyait, pour pouvoir agir ensuite parce que l’on croit : une croyance s’apprend et s’expérimente, comme toute chose, parce qu’elle est ou bien active, ou bien fictive.

     Si c’est en forgeant qu’on devient forgeron, c’est en « faisant croire », en contractant des habitudes, qu’on devient vraiment croyant, pratiquant et vertueux. Cela dit, on ne peut pas encore en déduire quelle foi vaut la peine d’être essayée et acquise ;  car s’il faut devenir croyant pour composer une Passion ou un Requiem, faut-il plutôt croire en Dieu ou en la musique ? Faut-il commencer par étudier le solfège ou la Bible ?...

 

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Pourquoi la pensée peut hésiter à se publier (aujourd’hui…).

Publié le 30 Septembre 2010 par bernard petit dans Vivre et philosopher

          

   Le mode d’expression fait partie de l’existence même de la pensée : il est sa réalisation et son interprétation en même temps. Nous devons nous douter qu’une grande partie des pensées restent « lettres mortes » (mais en un sens proche des « natures mortes » qui peuvent être bien vivantes en peinture),intimes, privées, discrètes  sinon secrètes, voire inconscientes, au moins au sens de Leibniz : non seulement possibles mais virtuelles, réelles sans être actuelles.

    Devant de telles pensées, nous avons néanmoins souvent un sentiment irréductible d’inachèvement : penser sans s’exprimer n’est penser qu’à moitié. Deux raisons sérieuses semblent justifier ce sentiment, l’une altruiste, l’autre égoïste :

   1) si la pensée peut être bonne et utile à d’autres êtres pensants, la partager relève d’un devoir de bienfaisance et de transmission; si elle peut leur être nuisible, c’est un devoir d’honnêteté : dans les deux cas, on doit permettre à autrui d’en juger ;

   2) il y a un bonheur de l’expression, un incomparable «plaisir du texte » (Barthes) à nulle autre pareil : jubilation complexe d’écriture, de formalisation et de lecture de la pensée par elle-même, en son mouvement de spirale réfléchissante, cette joie spécifique de la communication certaine de sa pérennisation, nécessaire à l’accomplissement de la pensée et à la réalisation de l’esprit. C’est pourquoi une société qui interdit la liberté d’expression est moins souhaitable que celle qui l’autorise, même si l’interdit de la parole ne peut s’étendre à la pensée. Le penseur privé est donc forcément un penseur frustré, ce qui dévalorise sa pensée, et la pensée en général.

 

     Contre ces arguments, plusieurs objections non moins sérieuses, quoique plus discrètement utilisées, sinon oubliées.

1)     La crainte des malentendus, dont les risques sont entretenus et renforcés par la vitesse technologique, la concurrence socioéconomique, les tendances « idéo médiatiques » et les préjugés les plus communs ;

2)     Corrélativement, la coupure entre l’actualité et la postérité : si l’on cultive trop la communication rapide et sans nuance, les œuvres de « longue portée » sont forcément désavantagées par rapport aux œuvres d’actualité « à la mode », Diderot devient un  pornographe, Marx,  un idéologue stalinien, Nietzsche, un prophète nazi, Bergson, un apôtre de la mondialisation à tout prix, Deleuze, un éducateur de créatifs publicitaires, etc.

3)     La méfiance misanthropique, face aux pouvoirs d’abrutissement des masses, et à leur participation active à la crétinisation des œuvres ;

4)     La honte occidentale et le désespoir nihiliste d’être humain, devant les abominations de

     l’époque et ses perspectives aberrantes et limitées;

5)     La désorientation mystique, face à la misère symbolique croissante de la culture contemporaine.

   A ce stade, on conviendra que le devoir et le bonheur de communiquer n’ont pas la partie gagnée d’avance. D’où la nécessité d’une foi quelconque, sans laquelle il n’y a pas de futur : il faut y croire, sans savoir d’abord à quoi il faut croire, car ce n’est pas le contenu de la croyance qui compte, mais sa forme d’énergie (son morpho dynamisme).

   Qu’importe la croyance, pourvu qu’elle nous motive.

 

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Le problème de la mémoire

Publié le 11 Août 2010 par bernard petit dans Vivre et philosopher

 

   

    La mémoire est la puissance du passé. Les souvenirs sont les manifestations de la mémoire, relation du présent au passé opérée par le sujet conscient qui intentionne l’utilisation de ses souvenirs. Mais faut-il vraiment distinguer entre le stockage des souvenirs sous forme de traces cérébrales enregistrées, et le mouvement de remémoration ou de récupération des traces sous forme de souvenirs réactualisés ? N’est-ce pas ici concevoir la mémoire vivante (réelle) sur le modèle des mémoires artificielles (abstraites) où le stockage et l’usage des traces sont réellement distincts ? Y a-t-il du passé parce que nous avons des souvenirs et donc de la mémoire ? Ou bien avons-nous des souvenirs et de la mémoire en vertu de l’existence insistante du passé dans le présent vers le futur?

    La psychologie cognitive et la neurobiologie du cerveau disent que les souvenirs sont engrammés dans le cerveau mais activables par des chemins variables, de telle sorte que si une lésion corticale intervient, un processus de compensation se met en place pour ouvrir un nouveau chemin de la conscience vers la récupération de ses souvenirs.  Mais l’expérience interne nous montre plutôt une fusion permanente entre stockage et récupération, une interpénétration,comme dit Bergson, entre les opérations qui relient les mouvements du présent au passé et les mouvements du passé au présent de futurition. En vérité, le stockage est toujours un mouvement de relations entre le nouveau présent et l’ancien passé, assorti

d’une réorganisation opératoire de la mémoire : quand j’enregistre un souvenir, je modifie le stock. Mais quand j’utilise un souvenir déjà enregistré, cet usage laissa aussi une trace mnésique, qui ne s’ajoute pas simplement au stock mais le transforme : c’est pourquoi les souvenirs, ou connaissances, inutilisés sont plus affaiblis et oubliés que ceux que l’on utilise régulièrement. Il y a un mobilisme et un pragmatisme immanents de la mémoire ; la pensée n’opère pas séparément une mémorisation « gratuite » sans que cet apprentissage ne réponde à une intention, une recherche, une accumulation « au cas où » ; il faut une attention suffisante, qui ne serait pas compréhensible sans une motivation opératoire tournée vers le futur. Le passé intéresse le futur, et cet intérêt ontologique (et même ontique !) est nécessaire pour expliquer l’insistance de la mémoire.

    Bref, les sciences de la mémoire demeurent chosistes lorsqu’elles distinguent d’un côté les traces en stock dans une sorte de magasin de la mémoire, et de l’autre, l’intelligence qui effectue des parcours cérébraux et comportementaux pour récupérer ces traces set les convertir en souvenirs psychiques. Les souvenirs ne sont jamais des traces inertes, mais toujours des opérations, des mouvements de relation entre cheminements anciens qui entretiennent les traces de leurs propres chemins, et cheminements nouveaux qui repassent dans ces chemins en faisant varier leur cours.  Le lit du fleuve ne préexiste pas au passage de ce qui l’a creusé, même si ce n’est pas précisément cette eau… Il n’y a pas d’un côté des traces virtuelles et de l’autre des souvenirs qui les réactivent de temps à autre, mais des mouvements opératoires d’apprentissage et d’usage projectifs de connaissances, qui comportent toujours du passé dans toute ouverture au futur.

     Par ailleurs, la mémoire n’est ni une faculté psychique individuelle ou collective, ni un support passif de stockage de données matérielles et sémiotiques, comme un disque dur d’ordinateur : c’est un système complexe d’interactions entre les activités cérébrales, sensorimotrices, sociales et symboliques des vivants.

 

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Qu'appelle-t-on créer?

Publié le 11 Août 2010 par bernard petit dans Vivre et philosopher

    Qu’appelle-t-on créer ?

    Créer, c’est revitaliser ou recycler des systèmes. Plus précisément, c’est optimiser des systèmes à faible vitalité, ou remplacer des systèmes agonisants par des systèmes à forte vitalité. Les arts et les sciences le font chacun à leur manière, surtout pratique pour les premiers, surtout théorique pour les secondes. La philosophie est la théorie pratique de ces modes de création de systèmes revitalisants, et la critique de la dévitalisation des systèmes à faible vitalité, qui sont précisément les systèmes les plus mortifères, les mieux disposés à la destruction et au recyclage (ce que Derrida appelle déconstruction). Et ainsi vivent les systèmes !... puisque la vie est une fabrique de systèmes pluralisés, mélangés et interconnectés. 

   Mais la vie, c’est aussi l’interprétation des systèmes, la traduction de leurs signes, donc leur trahison et leur transformation: le maximum de variations dans un minimum d’espace-temps, la révolution permanente, la durée divagante, la frissonnante complainte de nudités erratiques abordant des rivages d’outre tombe sur une immense valse bleue…                

 Spirales-de-spirales.jpg

 

 

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L'amour en surplus

Publié le 7 Août 2010 par bernard petit dans Littérature

 

 

 

 

L’amour en surplus

 

(chanson folâtre)

 

 

 

 

On s’était connu comme on avait pu,

Parlant nos langues inconnues,

Contant petites et grandes bévues

Avec les rêves qu’on avait en vue :

De l’amour toujours en surplus.

 

L’enfance, nous n’y étions plus ;

En ados, nous nous étions plûs :

En ce temps-là, on était vus

En tous temps marqués ou perdus,

Car l’amour est toujours en surplus.

 

Mais ça ne nous avait pas déplu ;

On s’était revus, passés en revue,

On s’en est vu comme on a pu :

Les corps nus demeurent inconnus

Et l’amour est toujours en surplus.

 

 

                           

 

                                                 (Bernard Petit, 04/08/2010)

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Prière laïque en faveur de la dignité des humiliés.

Publié le 6 Juillet 2010 par bernard petit dans Littérature

 

Prière laïque en faveur de la dignité des humiliés.

 

 

  On a toujours de bonnes raisons

De rappeler aux hommes le sens de l'humilité:

"Oui, rampe vermisseau misérable !

Humilie-toi devant chaque signe de sublime divinité,

Et prosterne-toi devant l’Etre véritable !...

Oui, toi qui n’est presque rien, toi qui est pire que rien !

A peine un vent, une vapeur, un murmure inaudible,

Une lueur invisible dans un univers qui se rit des fantômes !..."

Mais on a aussi toujours l'occasion de croiser les faux dieux:

par exemple, cette obscure puissance soi-disant éternelle nommée "l’Argent".

   L'argent est-il divin? Impossible, non?

 Au fond, tout ce qui a un prix ne vaut pas grand-chose,

Puisque l'on peut justement l’échanger contre autre chose

Ayant des propriétés équivalentes.

Les seules valeurs dignes de ce nom

        sont les êtres formés de propriétés uniques et non échangeables.          

A moins que…

-  A moins que quoi ?...

-Hélas ! que suis-je pour évoquer davantage qu’une vague hypothèse ?...

 

"...Et qu’enfin l’homme unisse ce que Dieu avait séparé !

Et que Dieu ne sépare que le plus tard possible

Ce que l’homme eût le bon goût et la grande peine à unir !..."

 

 

 

                                                                    Bernard Petit (20/08/2010)

 

 

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