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 Jazz-rhapsodie pour musique et philo

Penser ce qui devient, déchiffrer les signes, pour résister à la médiocrité nihiliste et produire une jubilation!...

Celui qui devait croire aux signes.

Publié le 11 Octobre 2010 par bernard petit in Vivre et philosopher

 

 

     Nous avons besoin de signes pour communiquer, penser, agir et comprendre. Pour autant,  nous n’avons pas besoin de demeurer dupes des signes : nous ne devons pas être manipulés par les signes, mais plutôt être manipulateurs de signes, comme le menuisier manipule la scie ou le marteau. La difficulté, qui fait de cette relation un combat permanent, est cette passivité commune aux signes et aux outils matériels : nous somme d’abord les récepteurs confiants de ces paquets fluctuants de signes, que nous avons à travailler pour nous rendre capables de les manipuler efficacement sans en demeurer dupes.

   Pour commencer (et continuer) à s’humaniser, l’hominien est ainsi voué à croire aux  signes et à leurs pouvoirs « magiques » ; autrement dit, ces puissances créatrices, expressives et communicatives, encore confuses et mal connues, mais que toute notre histoire culturelle et symbolique manifeste comme effectives. Les signes agissent réellement mais indirectement. Le tort de la pensée magique, ou superstition, est de croire que leur action s’exerce directement sur les objets, alors qu’elle  passe toujours à travers nos corps, et par ces médiations, dans le monde objectif. La tromperie des apparences consiste donc bien en une intellection précipitée, qui confond les résultats manifestes d’un art avec sa genèse réelle, le plus souvent cachée.  

    Mais cette première erreur pourrait être corrigée sans mal par la connaissance, s’il ne s’en ajoutait une autre, plus coriace parce que rigidifiée par les habitudes. C’est la conviction que cette croyance aux signes ne serait pas seulement un besoin naïf, mais une fatalité sans remède : « l’homme est ce qu’il est, depuis que le monde est monde, et rien ne peut changer sa nature ». Cette négation du devenir, et cet impouvoir du changement, reflètent certes de  réelles et profondes difficultés, mais qui ne signifient pas une impossibilité. On ne sait pas exactement, et l’on ne peut savoir à l’avance, ce que nous pouvons changer ou pas. Nous ne pouvons que faire des essais pour le savoir, mais nous le pouvons toujours tant que nous sommes vivants, tant il est vrai qu’il n’y a pas de vie sans expérimentation, sans activité spontanée et évolutive. Cela ne veut pas dire que "tout est possible ", comme on le dit parfois absurdement;

mais qu'il n'y a pas de ligne de démarcation entre les futurs possibles et les futurs impossibles.

 

 


     Croire, c’est faire comme d'habitude.

     Il y a sans doute bien des façons de croire et divers types de croyance. Mais je crois, avec la tradition empiriste (Hume) et pragmatiste (Peirce), que toutes les croyances sont pratiques, en relation avec une conduite qui est une pratique, une attitude ou un sentiment pratiques :

une croyance est une habitude d’agir. Croire, c’est faire, être disposé ou habitué à faire quelque chose qu’on se représente comme l’objet de cette croyance. Mais comme toujours, on projette sur l’objet des propriétés relatives à notre subjectivité,créées et consolidées par des habitudes constitutives de l’ objectivité même.

    Si l’on objecte que, dans certains cas au moins, la pratique s’oppose clairement à la croyance (par exemple celui qui "croit au Ciel" sans suivre régulièrement les commandements religieux correspondants, qu’on appelle cela bigoterie, tartufferie ou hypocrisie), on peut répondre que croire est aussi autre chose que dire ce que l’on croit. Si je dis que je crois au Christ, mais que je ne fais rien de typiquement chrétien, quel est au juste le contenu de ma croyance ? Est-ce autre chose que la verbalisation d’un credo où je pourrais remplacer le Christ par le Père Noël ou « la mouche qui pète sur Internet » ? Je peux certes être obligé ou contraint d’agir par une nécessité vitale ou sociale, et contre ma croyance profonde : car il faut bien survivre pour avoir une chance de mieux vivre. Mais alors je réagirai à un certain moment, par une conduite de révolte, de dégoût ou de désespoir ; je ne pourrais me contenter de dire froidement ou avec l’hésitation d’un parieur, que « dans le fond, j’y crois », même si ça n’apparaît pas dans mes actes. Car cela peut ne pas apparaître à chaque instant, mais cela ne peut pas ne jamais se manifester, ne serait-ce que comme un symptomatique « retour du refoulé ». C’est en ce sens que Pascal n’a pas tort de dire, contre les moqueries trop faciles, qu’il faut commencer par agir comme si l’on croyait, pour pouvoir agir ensuite parce que l’on croit : une croyance s’apprend et s’expérimente, comme toute chose, parce qu’elle est ou bien active, ou bien fictive.

     Si c’est en forgeant qu’on devient forgeron, c’est en « faisant croire », en contractant des habitudes, qu’on devient vraiment croyant, pratiquant et vertueux. Cela dit, on ne peut pas encore en déduire quelle foi vaut la peine d’être essayée et acquise ;  car s’il faut devenir croyant pour composer une Passion ou un Requiem, faut-il plutôt croire en Dieu ou en la musique ? Faut-il commencer par étudier le solfège ou la Bible ?...

 

*

 

 

Commenter cet article
M
<br /> <br /> Nous avions hier soir une discussion plus ou moins alcoolisée sur le sujet, plus que moins d'ailleurs, mais bon et j'aurais aimé que tu sois avec nous. Etrange choix musical, (pour toi bien sûr),<br /> je ne pensais pas que tu aimais ce style musical.<br /> <br /> <br /> <br />
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A
<br /> <br /> Comme on dit sur la "face de bouc" : Alain aime ça...<br /> <br /> <br /> J'aurais bien des questions mais mes yeux se ferment.<br /> <br /> <br /> <br />
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