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 Jazz-rhapsodie pour musique et philo

Penser ce qui devient, déchiffrer les signes, pour résister à la médiocrité nihiliste et produire une jubilation!...

Sur la beauté de la nature

Publié le 25 Juillet 2012 par Bernard Petit in Vivre et philosopher

            

 

           

Sur la beauté de la nature : « la beauté gît-elle dans la nature ? »

 

 

 

 

    Le verbe "gésir" est ici malheureux, mais peut-être assez révélateur: la beauté serait-elle une qualité morbide? A moins qu'on ne désire secrètement qu'elle le soit: la violence, le tumulte, l'agitation ne sont jamais trouvé beaux en tant que tels, mais seulement par des représentations épiques ou tragiques que la forme artistique anoblit...

    Il y a peut-être dans le goût de la beauté cette ambiguïté permanente: elle doit être assez "naturelle" pour être vivante, mais assez abstraite de la nature (« idéale ») pour ne pas être entraînée dans son devenir indifférent au beau et au laid. Car la nature n'est en elle même ni belle ni laide: c'est notre regard humain sur les phénomènes naturels qui en fait des représentations belles ou abominables. La différence entre une "belle" éruption volcanique et une catastrophe volcanique comme celle de la Montagne Pelée de Martinique en 1902, c'est le regard humain sur la situation: dans l'urgence vitale immédiate, il n'est plus possible de contempler la nature, on ne peut que l'affronter car on est alors complètement pris dans ses rapports de forces qui nous menacent de destruction (ou alors, on est suicidaire).    

   Quand la conscience est condamnée à l'efficacité pratique immédiate pour éviter la mort, elle est au mieux éthique, elle n'est plus esthétique: la nature n'est ni belle ni laide, elle est mauvaise ou bonne, impitoyable ou salvatrice... Mais elle est la Vie jusque dans la destruction et la mort qu'elle entraîne, et nous n'aimons pas calomnier la Vie: nous la condamnons quand nous sommes malheureux à l'extrême, et c'est toujours avec mauvaise conscience, comme si l'on reconnaissait ainsi non pas la laideur de la nature et la méchanceté de la vie, mais au fond notre propre faiblesse face aux événements. C’est pourquoi,aussi nombreuses soient-elles , les exceptions, me semble-t-il, confirment encore cette règle. Peut-être gardons-nous subconsciemment le sentiment que la nature est innocente, même quand elle est malfaisante envers certains…

   Cela expliquerait mieux les interprétations superstitieuses des catastrophes naturelles: la conscience morale y cherche spontanément un responsable ou un coupable (dieux ou hommes ou autres...), comme s'il était inconcevable que la nature soit si destructrice ...sans le vouloir expressément!..."Il faut bien qu'il y ait un responsable/coupable pour qu'une telle abomination se produise, sans quoi nous ne pourrions plus nous représenter la nature comme innocente!..." Quelle perte symbolique cela serait! La vraie foi, la confiance en la vie, la croyance à la continuité du monde, supposent cette conviction de ce que Nietzsche appelle "l'innocence du devenir". Ici gît peut-être, en ce sens, la beauté de la nature.

 

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